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L’open innovation, concept ancré dans l’idée d’une collaboration stratégique entre grandes entreprises et startups, a pris une place prépondérante dans le paysage technologique en France. Pourtant, malgré son adoption croissante, ce modèle rencontre encore des écueils qui freinent sa pleine progression. Lors d'une table ronde organisée par Maddyness le 11 octobre 2024 et animée par Maxence Fabrion, Paul Jeannest, co-fondateur et CEO de RaiseLab, Alix Boulnois, Directrice Générale Business, Digital & Tech du groupe Accor et Jean-Christophe Pitié, Chief Marketing & Partnerships Officer de ContentSquare, ont partagé leur analyse sur les défis et opportunités de l’open innovation en France.

Les multiples voies de l'Open Innovation : approches et stratégies différentes

Pour Accor, le groupe leader mondial de l'Hospitalité, l’innovation s'inscrit au cœur de son modèle de croissance. Alix Boulnois souligne que l'entreprise a adopté une approche diversifiée, intégrant à la fois des partenariats stratégiques avec des startups, comme celles du Next40, et des investissements en capital dans des technologies émergentes. La flexibilité de cette approche permet à Accor de rester compétitif en optimisant ses processus internes tout en intégrant des solutions externes.

Paul Jeannest explique que les entreprises peuvent naviguer parmi les options internes (R&D, équipes d'ingénierie et tech) et externes (partenariats ou acquisitions de startups) de manière cohérente et mettre en place une stratégie d’open innovation plus structurée. RaiseLab accompagne les grandes organisations (grands groupes, ETI, acteurs publics, etc.) dans la définition de leurs besoins en matière d'innovation, en identifiant les bonnes alliances, puis en accompagnant l’implémentation opérationnelle de ces collaborations.

Jean-Christophe Pitié de ContentSquare, une licorne française qui permet aux marques de créer de meilleures expériences digitales sur leurs sites web, mobile et Apps pour leurs utilisateurs, explique quant à lui que le défi de l’open innovation réside souvent dans l'alignement des objectifs entre les startups et les grands groupes. Les cycles décisionnels plus lents et les exigences réglementaires compliquent parfois l'adoption rapide de nouvelles technologies, même lorsque ces dernières sont disruptives.

Maxence Fabrion

Le défi de la culture d'entreprise : aligner startups et grandes entreprises

L'un des obstacles majeurs à l’open innovation réside dans les différences culturelles entre startups et grandes entreprises. Comme l’a souligné Alix Boulnois, il ne suffit pas de trouver le bon produit ; il faut aussi s’assurer que les équipes puissent travailler ensemble avec une vision partagée.

« Il est crucial de concilier l'agilité des startups avec la structure plus rigide des grandes entreprises. Les collaborations échouent souvent lorsqu'elles ne parviennent pas à adapter leurs cultures d'entreprise respectives, même si les solutions technologiques elles-mêmes sont parfaitement adaptées aux besoins. », explique-t-elle.
Alix Boulnois

Paul Jeannest appuie ces propos en insistant sur la nécessité d'inclure toutes les parties prenantes de l'organisation - les directions M&A, CVC, lnnovation, Recherche & Développement et Business Unit - dès le début du processus décisionnel. Cela permet d'éviter des conflits internes et d'optimiser les ressources allouées aux projets d’innovation.

La réglementation : opportunité ou barrière ?

Jean-Christophe Pitié a évoqué la complexité que représente la conformité réglementaire pour les startups en France, un sujet récurrent dans le domaine de la tech. Si les réglementations sur la protection des données, la sécurité ou encore la durabilité peuvent poser des défis considérables, elles constituent aussi des opportunités pour les startups capables de s'y conformer rapidement. Pour ContentSquare, la conformité aux normes européennes a été un avantage concurrentiel qui leur a permis de se différencier sur le marché mondial.

« Le marché américain étant beaucoup plus vaste que le marché français, la France est notre troisième marché, tandis que les États-Unis représentent déjà 50 % de notre chiffre d'affaires. ContentSquare est certes une licorne française, mais, pour réussir, il est essentiel de rester pragmatique, de penser global dès le départ et de s'internationaliser. » explique Jean-Christophe Pitié.
Jean-Christophe Pitié

Paul Jeannest a élargi cette discussion en parlant du lien entre les objectifs de durabilité des grandes entreprises et l'open innovation. Pour lui, la nécessité de répondre aux objectifs environnementaux d'ici 2030 rend la collaboration avec des startups, qui disposent de solutions innovantes dans le domaine du développement durable, indispensable. RaiseLab s’est spécialisé dans l'accompagnement de ses clients sur ces enjeux, en aidant à identifier les partenaires capables de répondre aux objectifs stratégiques en matière de durabilité et ESG.

« RaiseLab, en tant qu'entreprise à mission, consacre aujourd'hui les deux tiers de ses projets clients aux enjeux de durabilité : traçabilité des ressources, biomatériaux, circularité, ingrédients biosourcés, etc. Il y a clairement un avant et un après dans l'open innovation : ces questions de durabilité ont rendu incontournable la collaboration entre grands groupes et startups. », explique-t-il.
Paul Jeannest

Passer du Proof of Concept (PoC) au déploiement à grande échelle

Alix Boulnois a expliqué que, pour réussir l'open innovation, il est nécessaire de dépasser la phase du PoC (Proof of Concept) pour parvenir à l'industrialisation des solutions, ce qui n’est pas toujours simple pour les startups qui n’ont pas l’expérience ou les ressources nécessaires pour s’adapter aux multiples marchés d'un grand groupe international. Chez Accor, la crise du Covid-19 a permis de développer des initiatives en interne et des projets offrant de nouvelles solutions technologiques, comme le cas de Fullsoon, une startup issue d'un projet intrapreneurial de gestion des stocks alimentaires grâce à l'IA et qui connaît aujourd'hui un grand succès auprès d'autres acteurs importants de la restauration.

De son côté, Jean-Christophe Pitié a insisté sur l'importance du product-market fit et de l’acceptation des cycles longs de décision au sein des grandes entreprises. L’expérience de ContentSquare montre qu’il est essentiel de bien comprendre les structures décisionnelles pour adresser les bons interlocuteurs et avancer dans les discussions commerciales.

Des opportunités de collaborations incontournables sur les enjeux de durabilité et d'IA

Les trois intervenants ont unanimement souligné l’importance de l’intelligence artificielle (IA) dans les stratégies d’open innovation. Pour Accor, l'IA générative joue un rôle clé dans la personnalisation des services pour les clients, notamment à travers l’utilisation de chatbots et d'outils de marketing automatisé. En partenariat avec des startups spécialisées, le groupe utilise également des solutions d'IA pour, par exemple, optimiser la gestion énergétique de ses établissements, ou concevoir des repas et des menus qui favorisent des choix de restauration durables comme c'est le cas avec la startup Klimato. Des initiatives qui s'inscrivent dans ses objectifs de durabilité et de réduction de son empreinte carbone.

« On constate effectivement que la demande pour des solutions d’IA est forte auprès de nos client, en particulier sur les sujets d''amélioration de l'efficacité opérationnelle », souligne Paul Jeannest.

Le conseil des experts : investir davantage et de manière plus stratégique

Pour conclure cette table ronde, les intervenants ont proposé quelques recommandations pour maximiser l’efficacité de l’open innovation en France :

  • Alix Boulnois : « Ne négligez pas l’aspect culturel. Créez un environnement où la prise de risque est valorisée et où l'obsession du client guide les choix stratégiques. »
  • Jean-Christophe Pitié : « Gardez l'esprit très ouvert en interne. Pensez l’innovation au-delà du développement du produit et des fonctionnalités. Elle peut concerner directement le business model, ou d'autres sujets tels que l'adaptation aux normes. »
  • Paul Jeannest : « Mieux vaut réduire le nombre de projets et allouer davantage de ressources à ceux qui ont un fort potentiel pour montrer des résultats tangibles. Ne travaillez pas en silo, abordez ses sujets avec l'ensemble des directions concernées. »

L'open innovation en France, un potentiel à exploiter

Avec des initiatives telles que « Je Choisis La French Tech », qui vise à doubler le recours aux solutions des startups par les acheteurs publics et privés d'ici 2027, l'open innovation en France est sur la bonne voie, mais il reste encore des défis à relever pour optimiser ce modèle de collaboration entre startups et grandes entreprises. Les réglementations, les différences culturelles et le passage du PoC à l’industrialisation sont des obstacles connus qui peuvent être transformés en opportunités si les entreprises abordent ces défis avec une stratégie structurée et une culture ouverte à la collaboration. Les exemples concrets d'Accor, ContentSquare et RaiseLab montrent que la clé réside dans la capacité à équilibrer l’agilité des startups avec la robustesse des grandes entreprises, tout en s’appuyant sur des partenariats forts, une vision partagée et une bonne allocation des ressources.

Il est essentiel que les entreprises en France continuent à investir dans des collaborations stratégiques, à expérimenter de nouvelles approches et à maintenir une ouverture d’esprit face aux évolutions du marché et aux enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance.

Pour aller plus loin sur ces sujets, découvrez les études de RaiseLab :