Partager l'article

Alors qu’Antoine Denoix est membre du Comex d’Axa France en tant que Chief Marketing, Digital, Data & Customer office, son futur s’assombrit.

Doutes, questionnements, prises de conscience. Il entame finalement un virage serré et assumé en faveur de la cause climatique.

Avec la confiance du board d’Axa, Antoine Denoix lance Axa Climate en 2019.

Mais au départ, ce n’était pas qu’une histoire de climat. C’était avant tout un projet de culture et d’organisation alternatives.

Montrer qu’une entreprise peut fonctionner différemment :

  • être pilotée en s’inspirant du vivant et sans logique déterministe,
  • permettre aux collaborateurs d’y trouver leur voie, de la poursuivre tout en respectant des règles collectives, décidées en collectif,
  • sortir de la logique volumique et embrasser une démarche régénérative où l’apparente contrainte d’une diminution des flux, est en réalité une opportunité.

Pour RaiseLab, Antoine Denoix revient sur la création d’Axa Climate. Il partage sa lecture des changements que le climat va engendrer sur les entreprises, la façon dont notre rapport au vivant doit évoluer et enfin le fonctionnement unique d’Axa Climate, où l’autonomie est la clé de voûte de l’organisation.

Peux-tu revenir sur la genèse d’Axa Climate ?

Fin 2018, lorsque j’ai intégré Axa, j’avais le sentiment que le secteur de l’assurance était peu innovant. Puis je suis tombé amoureux de l’assurance paramétrique. Cette assurance novatrice où, quand il y a une catastrophe (ouragan, inondation, sécheresse…), ce ne sont pas des experts qui sont envoyés sur le terrain mais des satellites qui analysent les dégâts. Suite à ces analyses, l’assureur paye rapidement une somme d’argent pré-définie. Il s’agit d’un produit plutôt destiné aux grandes entreprises et aux gouvernements. Grâce à cette rapidité, on recréé une confiance entre l’assuré et l’assureur.

Cette nouvelle forme d’assurance a été mon étincelle mais j’avais l’intuition qu’il fallait continuer à tirer le fil pour accrocher une mission, une raison d’être plus larges. Je me suis notamment posé la question de la finalité de l’assurance paramétrique, et je suis arrivé au climat et à l’adaptation climatique.

Cela m’a redonné à nouveau souffle et motivé pour proposer à Axa un axe de développement sur ce sujet de l’adaptation climatique, par le biais d’une entité autonome.

4 ans après son lancement, Axa Climate c’est 200 collaborateurs avec un bon tiers de scientifiques, une structure pas encore rentable du fait des investissements réalisés mais avec une bonne traction puisque nous avons réalisé un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de millions en 2022.

Une fois la mission du projet déterminée, comment avez-vous identifié les différents axes de développement ?

Nous avons commencé par tester les connaissances autour des enjeux climatiques. Face à nos questions, il y avait peu de réponses. Notre première intuition d’innovation était donc le savoir extra-financier. En effet, il n’y avait pas de solution digitale qui abordait les connaissances climatiques, notamment pour une grosse entreprise qui veut former ses collaborateurs.

Une autre intuition d’innovation pour Axa Climate était le conseil. Les entreprises connaissent la météo du jour, mais pas le climat à venir, dans quelques années. C’est là où nos connaissances d’assureur ont été déterminantes, car nous les avons mises au service de la cause afin de faire des projections climatiques à 2030 et ainsi aider les entreprises à comprendre l’impact sur leurs activités.

La dernière brique est le financement. Car si nous parvenons à bien combiner nos 3 métiers (assurer, former, modéliser les risques), nous sommes en capacité de dérisquer des chaînes de valeurs qui font peur à des investisseurs. C’est dans ce contexte que nous avons par exemple lancé un fonds avec Unilever et Tikehau Capital sur le sol et l’agriculture regénératrice.

En revanche, nous sommes encore trop globaux dans nos approches or l’impact doit se traiter en finesse et en local. J’aimerais que notre impact soit plus grand. Pour cela, nous allons devoir passer à une logique plus locale afin d’aider la transition concrète, pour les hommes et les femmes. Le digital est bien pour la prise de conscience mais inexorablement, nous allons passer le cap du présentiel.

Vous êtes une émanation d’un grand groupe, et votre offre s’adresse également à des grands groupes. Quelle est votre vision de ce type de public et son rapport au changement climatique ?

Effectivement, Axa Climate travaille aujourd’hui essentiellement avec des fonds d’investissement, des industriels, des entreprises agro-alimentaires.

Le changement climatique est une rupture qui va engendrer des chocs systémiques auxquels il faudra s’adapter. Le digital était la rupture précédente mais finalement, il est dans la veine normative d’une grande entreprise car le digital touche aux outils, à la norme, aux standards, on peut donc le répliquer. En fait, le digital a peu bousculé les grandes entreprises.

Avec le changement climatique, elles vont devoir résoudre des problèmes concrets à impact local, en lien avec les territoires. Elles doivent se redécouper, se renverser culturellement, être remises dans le bon sens et revenir à des tailles plus acceptables et à des logiques territoriales et de coopération.

Nous travaillons par exemple avec une école qui accompagne un logisticien dans le transport routier. Leur équation est complexe : comment décarboner alors qu’ils ont une logique volumique dans laquelle, plus on roule, plus on est rentable ? Il faut alors changer de posture, raisonner par la conséquence : considérer un monde où l’on roule moins comme postulat. Puis se demander comment générer un maximum d’opportunités et de création de valeur tout en roulant moins. On réalise alors qu’une multitude de bénéfices écosystémiques émergent : récupération de crédits liés aux investissements des collectivités pour entretenir les chaussées, crédit carbone…

Il s’agit d’une logique régénérative. En faisant moins, qu’est ce que l’on génère ? Et les enjeux climatiques provoquent ces changements de business model qui vont secouer toutes les entreprises. Il faut réduire fondamentalement notre appétit de volume et la logique de volume dans les modèles d’affaires. Nous devons changer de regard sur les modèles économiques pour créer des opportunités d’innovation et de nouveaux business.

Pour gagner ce combat, il est important de montrer, sans tomber dans la caricature, des exemples de sobriété heureuse et de créer des imaginaires positifs pour ne pas déprimer. Nous devons ralentir, inexorablement.

Axa Climate se distingue notamment par sa culture d’entreprise bien spécifique. Pourriez-vous revenir dessus ?

J’ai toujours eu l’intuition que les collaborateurs de grands groupes pouvaient facilement se sentir prisonniers de ces grandes machines, de manquer de sens voire parfois d’être malheureux.

L’organisation humaine et la culture d’Axa Climate ont été pensées pour libérer les collaborateurs. Il n’y a pas de carcans ni d’organigramme et l’autonomie de chacun est posée comme base absolue.

Afin que cela fonctionne, nous avons calqué notre modèle sur celui du vivant. On comprend par analogie : la cellule a une membrane, Axa Climate également. Nous sommes très sélectif sur la capacité d’adaptation de ceux qui nous rejoignent. Ensuite, ma mission est de créer la glue entre tous ces gens qui veulent suivre leur voie et cette glue c’est la mission, les valeurs et surtout les rituels pour guider le fonctionnement collectif.

Nous avons 8 rituels mis en place pour cadrer les sujets stratégiques comme les recrutements, la performance ou encore la rémunération. Car les règles sont la clé de l’autonomie. Avec un processus de décision clair, chaque collaborateur gagne en légitimité, en responsabilité et en autonomie.

Notre process de recrutement est une bonne illustration de cela : il y a 4 entretiens sur 4 compétences différentes, un débat collégial et chaque individu engagé dans ce process a un droit de no-go qui prend le dessus sur la décision du domain leader.

Pour les augmentations, nous avons aussi des règles précises et claires. Pas de performance individuelle, seulement collective. Les augmentations sont basées sur l’apprentissage de nouvelles compétences. Si le collaborateur grandit en actif, alors il fait grandir l’écosystème d’Axa Climate et c’est ce que nous valorisons. Ces échanges ont lieu à l’occasion de sessions concrètes de feedback, avec des binômes tirés au sort.

Dans ces deux exemples, on voit que c’est le rituel qui donne l’autorité.

Après 4 ans d’existence, quels sont vos rapports avec Axa ?

J’ai beaucoup de gratitude envers AXA d’avoir permis cette aventure. Après 4 ans, notre priorité est qu’AXA Climate puisse apporter au Groupe, en retour. Il s’agit de trouver un équilibre et une façon d’avoir de l’impact et de changer les choses. En ce sens, la boussole reste l’alignement avec la raison d’être. AXA Climate doit apporter à la partie « Act for Human Progress » de celle du Groupe AXA, c’est ma conviction.

Finissons cette interview sur quelques confidences, quel a été le pire conseil que vous ayez reçu au cours de votre carrière ?

Les pires conseils sont des conseils de conformité.

Donner à une jeune recrue le conseil de suivre les plans de carrière et les évolutions selon des modèles établis, c’est presque l’encourager à monter des étages d’un immeuble qui menace de s’effondrer. Vive les parcours singuliers, en zig-zag !

Et enfin, l’échec dont vous êtes le plus fier ?

Je suis entré chez Axa par le biais du digital. Après un premier sentiment d’accomplissement, je suis passé par une étape plus difficile, de doute. Je ne savais plus où était ma place. Je suis très fier d’avoir surmonté ça et d’avoir su ré-enclencher une dynamique positive avec Axa Climate, au service d’une cause plus large, qui me dépasse et me donne une énergie infinie.

Découvrez d’autres articles de La Pause RaiseLab >> ici <<

Pour en savoir plus sur Axa Climate >> ici <<