Le nombre d’acquisitions de startups françaises par des entreprises a connu une forte accélération depuis 2021 jusqu’à dépasser 100 opérations par an. Cette tendance illustre-t-elle la maturité croissante de l’écosystème entrepreneurial français, tant du côté des startups que du côté des entreprises ?
Dans un contexte économique et financier incertain, BCG et RaiseLab proposent un état des lieux sur les acquisitions menées depuis dix ans. Quels sont les objectifs poursuivis dans le cadre de ces rapprochements ? Comment s’opèrent-ils ? Quels défis opérationnels comportent-ils ? Un an après la publication de leur étude : « Corporate Venture Capital et start-up : comment prolonger le coup de foudre ? », BCG et RaiseLab consacrent leur nouvelle analyse à l’acquisition des startups françaises par les entreprises. Intitulée « Acquisitions de startups françaises par les grands groupes : du coup de foudre au mariage de raison ? », cette étude analyse plus de 600 acquisitions réalisées depuis 2013. Au-delà d’un bilan chiffré des dix années écoulées, cette étude propose plusieurs clés pour une union réussie. Le rapport s’appuie sur plus d’une vingtaine d’entretiens menés avec des grandes entreprises, des fondateurs et anciens dirigeants de startups ainsi que plusieurs experts de l’écosystème.
Des acquisitions de plus en plus nombreuses, malgré une baisse significative de la valeur médiane des opérations
Au sein de l’écosystème français des startups, le marché des sorties ou “exits” suit une dynamique de forte croissance. L'achat par une entreprise constitue la « porte de sortie » choisie par 77% des startups sur la période 2013-2023. Au total, 631 acquisitions de startups ont été réalisées entre 2013 et le premier trimestre 2023, dont 246 entre 2021 et 2023. On observe ainsi une multiplication par deux du nombre d’opérations ces deux dernières années avec plus de 100 acquisitions par an en moyenne contre ~50 acquisitions annuelles entre 2013 et 2020.
Si le nombre d'opérations est stable au premier trimestre 2023, le montant total des opérations enregistre quant à lui une forte baisse et s’élève à 15 millions d'euros, contre 50 millions d’euros sur la même période en 2021.
« Le contexte économique et le faible nombre d’introductions en bourse (IPO) positionne le rachat par les grandes entreprises comme le mode d’exit privilégié par les fondateurs de startups » explique Olivier Sampieri, directeur associé senior au BCG. « Ces acquisitions sont plus que jamais perçues comme source d’innovation par les entreprises, d’où leur multiplication ces dernières années » complète Paul Jeannest, co-fondateur et CEO de RaiseLab.
Un marché dynamisé par les scale-ups et les investissements étrangers…
Si les fonds et les grandes entreprises représentent 55% des acquéreurs de startups françaises sur la période 2013-2023, les scale-ups tendent à s’imposer sur le marché des acquisitions de startups. Elles sont devenues les principaux acquéreurs de startups depuis 2021 (29% des acquisitions sur la période 2021-2023 contre 15 % sur la période 2013-2020).
S’agissant de la nationalité de ces entreprises, l’analyse montre un intérêt croissant des groupes étrangers pour les startups françaises depuis 2018 :
- Entre 2013 et 2017, les investisseurs français ont en moyenne représenté plus de la moitié des acquéreurs.
- Entre 2018 et 2022, les investissement étrangers (principalement Union européenne et Amérique du Nord) ont significativement augmenté jusqu’à représenter la majorité (51 %) des opérations en 2022.
« Bien que cette tendance reste à confirmer, la dynamique de marché souligne l’attractivité croissante des startups françaises sur la scène internationale. Ces dernières années les entreprises américaines ont acquis plus régulièrement et pour une valeur médiane plus élevée des startups françaises » souligne Lionel Aré, directeur associé senior au BCG.
Trois catégories d’objectifs motivent ces acquisitions
Les entretiens menés dans le cadre de cette analyse révèlent des démarches d’acquisition de plus en plus structurées de la part des grandes entreprises. Trois sources de création de valeur motivent ces rapprochements :
- Renforcer le cœur de métier. L’acquisition de nouvelles technologies et l’intégration de nouveaux talents permettent d’accélérer l’innovation sur des offres existantes
- S'étendre à des domaines d’activité adjacents. Compléter le cœur de métier par des activités prometteuses.
- Se diversifier / se développer dans d’autres domaines. Explorer de nouveaux marchés et/ou de nouveaux produits.
Pour poursuivre ces objectifs et concrétiser la création de valeur, trois grands modèles d’intégration sont mis en œuvre :
- Le modèle autonome : la startup conserve son fonctionnement tout en bénéficiant des ressources de l'entreprise pour continuer à croitre. L'entreprise limite son intervention pour ne pas freiner sa dynamique de développement
- Le modèle en rapprochement ciblé : certains aspects du fonctionnement de la startup évoluent (e.g. gestion RH, finance…). Des passerelles business sont créées entre l'entreprise et la startup.
- Le modèle d’intégration complète : les activités cœur de la startup et de l'entreprise fonctionnent ensemble. La startup disparait en tant qu’entité autonome.
« Ces dernières années témoignent d’une meilleure collaboration et compréhension mutuelle de ces deux mondes. En France, les acteurs privilégient le maintien d'une large autonomie des startups rachetées pour préserver la dynamique d’innovation de celles-ci. Toutefois la recette miracle n’existe pas, les approches hybrides permettent le plus souvent de répondre aux compromis nécessaires à la bonne exécution du rapprochement.» explique Paul Jeannest.
Comme dans toute union, quelques bonnes pratiques pour dépasser les difficultés
Le succès de ces acquisitions est cependant loin d’être systématique. Qu’il s’agisse de frustrations, de pertes de compétences ou de choc culturel, il est primordial d’anticiper les difficultés pour s’y préparer et y faire face. Les auteurs distinguent plusieurs bonnes pratiques, chacune étant liée à une phase distincte de l’acquisition. Parmi elles :
- « Se méfier du coup de foudre », avant l’acquisition : se poser les bonnes questions : la vision est-elle commune ? Dans quelle mesure cette acquisition s’inscrit t-elle dans la stratégie long terme de l’entreprise ?
- « La vie à deux », post-acquisition : L’analyse s’intéresse tout particulièrement aux modèles opérationnels développés pour mener à bien ces intégrations. « S’ils peuvent sembler assez théoriques, ces modèles de collaboration entre les différentes parties prenantes sont déterminants à la réussite de ces unions » rappelle Paul Jeannest, co-fondateur et CEO de RaiseLab. « Une bonne gestion des interactions personnelles - entre le fondateur, le sponsor et le comité exécutif - et des interactions entre les personnes morales - startups, business unit de rattachement et board sont capitales » précise-t-il.
- « Oser la rupture », savoir se remettre en question : Si on s'est trompé, savoir pivoter et remettre en question l’union et ses objectifs, voire mettre terme à la collaboration.
Dans un contexte économique incertain, cette étude propose aux startups et aux entreprises des clés pour réussir leur union et passer du coup de foudre au mariage de raison.
Restitution de l'étude à la Maison RaiseLab
Afin de tirer les enseignements des dernières années et d’identifier les conditions d’un rapprochement réussi, BCG et RaiseLab ont présenté un état des lieux chiffrés de ces opérations lors d'un événement organisé le 6 juin 2023 à la Maison RaiseLab.
Lors de cet événement, des intervenants de renom ont partagé leur témoignage sous la conduite de Thibault Viort, entrepreneur et investisseur, parmi lesquels Alexandre Viros, Président France chez The Adecco Group, et François Desgardin, Directeur des Nouvelles Offres et de l'Innovation Groupe chez Nexity.
Suite à la présentation des résultats de l'étude et aux témoignages et aux partages d'expériences, les invités ont partagé un cocktail dînatoire sur le rooftop de la Maison RaiseLab.